Interview - Thomas Duclos, œnologue à Bordeaux

Interview - Thomas Duclos, œnologue à Bordeaux
30 avril 2024 106 vue(s)
Interview - Thomas Duclos, œnologue à Bordeaux

Découvrez le rôle d'œnologue auprès de Châteaux de Bordeaux, grâce à cette interview de Thomas Duclos

Dans le cadre de la campagne Primeurs 2023, nous avons eu l'opportunité de rencontrer Thomas Duclos, œnologue reconnu dans la région viticole de Bordeaux.

Dans cet article, Thomas nous explique son rôle en tant qu'œnologue auprès des Châteaux et nous partage ses attentes du millésime 2023 !


LAVINIA : Pouvez-vous vous présenter, et nous en dire un peu plus sur votre métier ?

Thomas Duclos : Je travaille dans une structure qui s’appelle Oenoteam qui est basée en Gironde. Notre métier c’est d’accompagner des vignerons dans la production de vin mais d’une façon un peu singulière. Tout est centré autour « du projet ». Donc nous accompagnons les propriétés dans leur projet.

Les objectifs sont très variables dans ces projets, pouvant aller de faire un vin « sur demande » pour un marché ou dans une gamme, à défendre l’identité d’un lieu sur un terroir. Cet accompagnement est global puisque nous nous considérons comme des membres d’une équipe avec celle de la propriété.

A côté de cette partie, nous avons une activité d’analyse de vins, qui est pour nous un réel outil pour les décisions.


L : Quel est votre rôle auprès des différents Châteaux que vous accompagnez ?

TD : Notre particularité c’est d’avoir une vision transversale. On associe à l’œnologue le vin, mais notre idée est quand même que nous devons travailler sur la matière première, les raisins, afin d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, autant sur la qualité que sur le style.

Dans cette idée, nous avons aussi un rôle à jouer dans une vision à moyen et long terme pour adapter la façon de mener la vigne. Cela peut aller jusqu’à la stratégie de renouvellement de vignoble, avec le choix des cépages dans un programme d’arrachage et de replantation.

Notre métier est un métier d’adaptation. Nous pouvons accompagner à produire des vins au style inimitable et intemporel et notre rôle est de faire que ça le reste. Mais aussi, nous pouvons aider un vigneron à produire un vin qui répond à un cahier des charges stylistique très précis pour un acheteur.


L : Avez-vous observé certains changements ou certaines tendances dans l’élaboration de vin à Bordeaux ?

TD : La première chose qui est notable depuis 20 ans, c’est la professionnalisation des équipes techniques des propriétés. Désormais, il n’est pas rare que nous ayons comme interlocuteurs, des ingénieurs ou même des œnologues. Les compétences internes sont remarquables. Nous nous intégrons alors dans ces équipes pour amener une forme de questionnement avec notre vision extérieure. Nous devons nourrir l’équipe au service de la propriété.

Cette montée en compétence a amené une recherche de précision dans les choix et de pureté dans les vins. L’exigence et le niveau de détail sont des éléments majeurs pour les équipes. Les équipes sont très sensibles à cet aspect.

Ensuite, le paramètre dont tout le monde parle, c’est le réchauffement climatique. Pour l’instant, dans le vignoble de Bordeaux, il s’agit d’un point positif car il permet une meilleure maturité des raisins, qui est un enjeu majeur pour faire de grands vins. 

Ce changement impacte aussi à 2 niveaux qui, eux, sont moins appréciables.

  • Le risque de gel est augmenté : avec des hivers plus doux, la vigne redémarre son cycle de plus en plus tôt, l’exposant à de plus grands risques lors de la période gélive qui arrive souvent courant avril. 
  • La remise en question de la façon dont tombe la pluie au cours de la période végétative : même si ça peut sembler surprenant, il pleut de façon complètement irrégulière d’un millésime à l’autre et cela de façon très variable. Les périodes de pluie sont de moins en moins prévisibles et déphasées avec ce que l’on a connu depuis 30 ans. Cela génère des difficultés au niveau de l’état sanitaire du vignoble (maladies) principalement.

L : Vous conseillez notamment le Château Canon et le Château Berliquet. Pourriez-vous nous parler un peu plus en détail du travail qui a été conduit auprès de ces deux propriétés ? 

TD : Commençons par le Château Canon, propriété pour laquelle je travaille depuis plus longtemps. Un grand travail de restructuration a été lancé lors du rachat de la propriété en 1996. En effet, dans l’enclos historique du Château, le vignoble était en mauvais état et notamment le matériel végétal. Ainsi, beaucoup de vignes ont été arrachées puis replantées.

Le Château Canon est situé sur un terroir historique remarquable de Saint-Emilion. Il s’agit du plateau calcaire. La particularité de ce lieu est que la vigne pousse sur un sous-sol calcaire qui a la particularité de tamponner beaucoup d’excès. En effet, le calcaire est une éponge, il a la particularité de pouvoir stocker l’eau, que la vigne peut aller chercher quand c'est nécessaire.

Le Château Canon a toujours défendu son identité et ce, malgré les modes. Je reprends souvent une phrase de Coco Chanel : « La mode se démode, le style jamais. » C’est clairement la philosophie adoptée par le Château Canon, en produisant des vins précis, très aériens et très fins, même lorsque les consommateurs préféraient des vins beaucoup plus concentrés. Le pari est réussi puisqu’aujourd’hui, les vins du Château Canon sont largement appréciés, avec cette fraîcheur, cette tension et ces arômes fruités, complétés par des tendances florales.

L’équipe dont je fais partie avec les membres de la propriété est à la recherche de l’ultra précision pour ce cru car c’est ce qui le rend singulier.

© Canon - Photo Erea Azurmendi & Federico Reparaz

Le Château Berliquet, c’est une aventure bien plus récente qui commence en 2017. Comme pour le Château Canon, la volonté était alors de remettre le vignoble dans un état impeccable car c’est indispensable pour avoir un rendu fidèle du terroir.

Le terroir du Château Berliquet est complètement différent, que ce soit sur l’orientation ou sur le type de sols. Il est davantage composé d’argile et est planté sur des coteaux. On y produit un vin beaucoup plus terrien, qui démontre des fondations solides.

© Berliquet - Photo Brice Braastad

Ce qui est commun aux deux crus, c'est vraiment cette recherche de la précision, même si celle-ci s’exprime de deux façons différentes. Notre rôle pour ces deux Châteaux, c’est surtout de rester le plus fidèle aux identités des terroirs. Il s’agit de produire des vins avec la même précision, mais toujours au service du terroir qui est propre à la propriété. 

Une idée qui nous anime est de faire reconnaître le cru avant le millésime et cela peut importe les conditions climatiques du millésime. Le lieu nous semble plus important que le climat de l’année. Tout cela est le travail d’une équipe, menée par Nicolas Audebert et Stéphane Bonnasse, qui évolue dans le temps, dans ses compétences, ses souhaits, au grès du climat.


L : Et avez-vous remarqué éléments marquants concernant la vente des vins en primeurs ? Selon vous, y a-t-il encore un intérêt à acheter ses vins en primeurs ?

TD : Il y a certains vins que vous ne pourrez obtenir qu’en primeurs. En effet, il y a tellement d’engouement sur certaines cuvées qu’ils ne seront jamais mis sur le marché en livrable dans des quantités significatives.. Si vous souhaitez les avoir, il faut les commander en primeurs.

Il y a aussi des vins qui bénéficient d’une demande très importante, et dont les prix augmentent fortement lors de leur sortie sur le marché. La vente en primeurs fait donc encore sens aujourd’hui, notamment si vous souhaitez des crus spécifiques.


L : En ayant eu l’opportunité de déguster des vins du millésime 2023, quelles sont les grandes tendances qui se dessinent sur leur profil ? 

TD : On a un millésime 2023 dans lequel on retrouve plein de millésimes différents. Au niveau du climat, on a assisté à des pluies très hétérogènes sur le territoire de Bordeaux. En fait, sur la période végétative (période où la vigne est verte), la même quantité de pluie est tombée sur la région, mais de façon complètement différente. Et cette hétérogénéité marque fortement les vins dans leur style, parfois même sur des vignobles séparés de 500 mètres. 

Le millésime 2023 est un millésime très « bordelais », c’est-à-dire qu’on ressent une vraie identité forte des terroirs. Le millésime 2022 était plus « international » comme l’a décrit James Suckling, c’est-à-dire que le soleil et la sécheresse l’ont rendu très abordable. Je suis très enthousiaste à propos du millésime 2023, qui exprime clairement la diversité des différents terroirs. Les vins ont le goût de là où ils viennent !


L : Si vous pouviez décrire ce nouveau millésime en 3 mots, quels seraient-ils ?

TD : Équilibré - Dynamique - Mûr


L : D’après vous, y a-t-il des cépages ou des appellations se distinguent sur ce millésime ?

TD : Non. Très sincèrement, c'est, pour moi, ni le millésime d'une rive, ni le millésime d'un cépage. Il y a de tout partout, c’est vraiment un millésime qui va permettre d’apprécier les crus au cas par cas. La précision et le travail des viticulteurs est donc particulièrement mis en avant, et c’est un millésime qui permet de distinguer les caractéristiques des différents terroirs.


L : Et pour finir, quels conseils pourriez-vous donner à un amateur qui souhaiterait acheter des vins en primeurs pour la première fois ?

TD : D’écouter son caviste. Les primeurs restent un exercice assez particulier, d’autant plus sur un millésime où l’on ne décèle pas de tendance globale. Il serait difficile de savoir quels vins acheter sans y goûter. Le millésime 2023 est tellement hétérogène qu’il faut goûter pour comprendre.

Il s’agit vraiment d’une mise en avant du travail des viticulteurs à réveler leur terroir. Et donc mon conseil serait vraiment d’écouter les recommandations de votre caviste, qui saura vous aiguiller au mieux. 


Et voilà ! Vous devriez désormais en savoir plus sur le métier d'œnologue, qui est un métier dédié à l'accompagnement des domaines dans différents projets. Nous souhaitions remercier à nouveau Thomas Duclos, pour son temps et son partage !

Et si vous aussi vous souhaitez découvrir le millésime 2023 en avant-première, n'attendez pas pour vous inscrire à notre Soirée Dégustation - Primeurs 2023, Millésime 2013 qui aura lieu le mercredi 12 juin de 19h00 à 21h30 dans notre cave LAVINIA à Paris. Vous aurez l'occasion de découvrir ce nouveau millésime, encore en élévage et mis en bouteille pour l'occasion, et de déguster le millésime 2013 afin de mieux comprendre la direction.

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